samedi 6 février 2010

Conheça um pouco mais Benjamin Biolay

Foto Divulgação
Benjamin Biolay, spleen machine
Par Fabrice Pliskin

Aquaboniste et socialiste, ce chanteur classé « romantique » déteste le petit monde de la chanson française et fredonne la ballade des gens malheureux. Rencontre avec Benjamin Biolay

Benjamin Biolay en 4 dates: 1973. Naissance à Villefranche-sur-Saône. 2001. «Rose Kennedy» (victoire de la musique du «meilleur album découverte»). 2003. Naissance de sa fille Anna Biolay-Mastroianni. 2009. Sortie de «la Superbe», double CD (Naïve).
Jean, foulard et chemise western, c'est un desperado de 36 ans, aux allures de Jessie James désarmé, convalescent et libidineux. Benjamin Biolay reçoit au Studio de la Seine, où il a enregistré « la Superbe », son meilleur disque : une superproduction flamboyante et saturnienne, solennelle et dérisoire, un tsunami de spleen et de Nambutal, d'amours jaunes et de filles comestibles aux cheveux orange, de violoncelles, de flugelhorn et de rythmes hip-hop. Ces derniers temps, le chanteur aurait trouvé un remède à ses insomnies : « J'ai beau adorer Bresson, quand je regarde ''le Journal d'un curé de campagne'', je suis sûr d'y passer », confie-t-il devant la table de mixage, dans un léger sourire honteux de cinéphile.

Arrangeur subtil, Biolay fut l'artisan du retour d'Henri Salvador avec « Jardin d'hiver ». Selon lui, la chanson parfaite, c'est « Over The Rainbow » («le Magicien d'Oz»). Mais l'arc-en-ciel n'est pas son fort. Il retrace la genèse de « Jaloux de tout », une complainte pluvieuse qu'il a écrite en une nuit sur son vieux clavier Rowland filtré dont le son dolent évoque pour lui la musique de « Commissaire Moulin ».

Pour comprendre les causes de sa mélancolie, certains allégueront son cahier des charges de chanteur romantique ou son divorce d'avec Chiara Mastroianni. A moins qu'ils n'incriminent son obsession mimétique pour le jazzman Chet Baker, grand trompettiste et méchant héroïnomane, ou encore les vertus atrabilaires du cannabis, « cette cochonnerie » dont il peine à se défaire malgré les séances d'hypnose. Les sociologues ne manqueront pas de déchiffrer son arbre généalogique : à l'origine, Benjamin Biolay est un artiste du déclassement, de la mobilité descendante, comme dit Pierre Bourdieu. Son « arrière-arrière-grand-père maternel », Joseph Opinel, était le fondateur de la célèbre coutellerie. « Mais le père de ma mère était garagiste, avec quatorze enfants. » Richissime, son arrière-grand-père paternel possédait une distillerie à Villefranche-sur-Saône. « Il a fait fortune dans la gentiane, mais le père de mon père a tout flambé : il a été batteur sur le paquebot ''France", entre autres choses. Il a aussi offert un magasin de fleurs à une de ses maîtresses.»

Biolay a grandi dans une HLM à Villefranche-sur-Saône, avec ses deux soeurs. Clarinettiste dans la fanfare municipale, son père était agent de maîtrise à la Mutuelle nationale des Etudiants de France. La famille Biolay roule dans une 4L jaune et vit sur les 6 000 francs du salaire paternel. « Culturellement, mon père n'était pas de la classe ouvrière. Il me soûlait avec la "Tétralogie" de Wagner, quand moi je voulais jouer au foot avec mes copains. La mélancolie, c'est lui : voir mon père écouter la Septième de Mahler au casque après une journée de travail, c'était pas très joyeux.» La famille Biolay est socialiste de père en fils. « Le dernier ministre socialiste, pour moi, c'était Pierre Mauroy Aujourd'hui, le PS est un parti de droite », dit le chanteur, qui sur son dernier disque affirme d'une voix blanche, comme pour désespérer Solférino : « Il n'y a plus de gauche, il n'y a que des moribonds. » Nouveau sujet de mélancolie.

On connaissait « la Ballade des gens heureux ». Biolay chante la ballade des gens heureux de ne pas l'être. « Je marche sur les rails / Et je trompe la mort / En frôlant le train corail / Qui me rate encore. » L'art de la rime ? Nul besoin d'un dictionnaire pour faire sonner angélus, abribus et cirque Gruss : « C'est comme aller chercher un fa dièse dans une gamme brisée à 280 à la noire, au piano classique », explique ce premier prix du conservatoire de Lyon, section trombones. Dans un morceau inédit, l'homme de gauche se rit de faire rimer de Gaulle et Booba : « Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé !», s'écrie le Général ; « Toute l'équipe à Sarko, j'la ferais bien tapiner », dit le rappeur. Signalons en passant que Biolay dirigeait les cordes sur le dernier CD de Carla Bruni-Sarkozy.

Eloge de la mélancolie

Chanteur français, Biolay abhorre ce qu'on appelle la chanson française, cette « notion étriquée, régionale », ce « petit milieu », cette « secte ». S'il travaille main dans la main avec Juliette Gréco, Françoise Hardy ou Julien Clerc, il exècre la « la prétention inouïe » de Michel Polnareff : « Un débile mental... En plus, je le trouve bidon. On dirait Philippe Lucas [l'ex-entraîneur de Laure Manaudou] ». Des Julien Doré, des Christophe Mahé, mais pas de Benjamin Biolay dans les concours de sosies sur TF1. « Je ne serai jamais un chanteur populaire. Je ne souris pas, alors on se dit : quel bêcheur, quel prétentieux !» Benjamin Biolay s'alarme de la guignolisation de ses pairs par les talk-shows :

« Jean-Louis Murat me fait penser à Leonard Cohen. Hélas, les gens ne le voient pas comme le grand chanteur qu'il est, mais seulement comme le bon client qui débine tout le monde à la télé. Katerine est un chanteur raffiné que j'admire. Pour se faire reconnaître par le grand public, il a dû faire le clown en slip rose. »

Après un silence : « Je ne mettrai jamais de slip rose. »

F.P.

Fonte : "Le Nouvel Observateur" du 15 octobre 2009.

1 commentaire:

Mutuelle a dit…

Bravo pour ce blog!